La conscience collective a tendance à prêter des propriétés étonnantes aux pièces de maroquinerie.
Ne dit-on pas que le cuir est une matière qui traverse le temps ? Se patine ? Et, parfois même, se transmet.
Est-ce un mensonge ? Non !
Depuis 2013, chez Atelier Particulier, nous défendons le savoir-faire maroquinier bec et ongles.
C’est une valeur sûre.
Un artisanat qui allie technique, tradition et durabilité.
En revanche, nous pensons communément et souvent à tort, que tous les savoir-faire maroquiniers se valent. C’est une erreur.
Travailler et sublimer le cuir, ce n’est pas donné à tout le monde.
Alors, quels critères permettent de qualifier la qualité de matière et de confection d’une pièce de maroquinerie ? Voici la réponse en images avec la confection d’une ceinture.
N.B Avant de commencer, nous remercions chaleureusement Lola, Catherine, Alain et Laurent, les maroquiniers de notre atelier, de nous avoir partagé leur savoir-faire le temps d’une journée.
1 - Du cuir, oui. Mais pas n’importe lequel
Au commencement est le cuir. La matière reine de la maroquinerie. Qui dit matière reine dit spécialiste du cuir. Depuis 2 décennies, Alain sélectionne, touche et découpe les peaux pour en exploiter tout le potentiel. Vous l’aurez compris, Alain est notre premier interlocuteur. Il va nous expliquer comment choisir et travailler une peau.
Concrètement, Alain connait les spécificités de toutes les peaux.
‘’Si le cuir est trop souple, la ceinture n’aura pas une belle tenue, Au contraire, s’il est trop rigide, le cuir marquera plus vite et prendra plus de temps à se faire. Donc moins confortable au port.’’
Pour une ceinture, donc, exit les cuirs d’agneau, ou de porc. On leur préférera des cuirs plus équilibrés en termes de tenue, comme la vachette, le mouton ou la chèvre.
La peausserie est sélectionnée ?
Les sens d’Alain entrent en jeu. Vue et toucher sont ses plus fidèles alliés.
Ses yeux et ses mains détectent sans difficulté, et en une fraction de seconde, toutes les imperfections du cuir.
Il utilise ensuite une machine à découper pour optimiser le potentiel de la peau et limiter ainsi le gaspillage.
Anecdote 1 : Pourquoi la découpe n’est-elle pas manuelle ?
Deux grandes raisons.
Premièrement, la découpe manuelle est moins précise que la découpe mécanique. Résultat, pour avoir 3 ceintures identiques, il faudra ajouter des étapes intermédiaires pour corriger les différences.
Deuxièmement, une découpe à la main ne permet pas de faire de volume. C’est pour cette raison que tous les ateliers des grandes Maisons ont abandonné cette méthode d’un autre âge.
2 - Des étapes intermédiaires, mais pas secondaires.
Entre la découpe du cuir et la couture puis les finitions, il y a une dizaine d’étapes intermédiaires.
On ne va pas être exhaustif mais voici les spécificités de 4 d’entre-elles.
- La refente du cuir
Cette première étape est assez simple. Elle consiste à créer 3 pans de cuir distinct. Ces pans, une fois assemblés, formeront la ceinture. On appelle cela la refente.
Ici, Alain utilise des machines pour découper les lamelles de cuir. Puis, pour maitriser son épaisseur, il utilise une pige : un petit outil qui permet de mesurer par lecture directe l’épaisseur du cuir.
Ces deux étapes sont primordiales, car elles garantissent une tenue et une ligne parfaite à la ceinture en respectant le grain et en en corrigeant les imperfections.
Anecdote 2 : Une ceinture n’est-elle pas constituée d’un seul morceau de cuir ?
La réponse est non. Nous savons que vous êtes nombreux à le penser. Une ceinture digne de ce nom est composée de la face avant du cuir (on appelle cela la fleur), de l’envers qui fait office de doublure et d’un pan intermédiaire qui se trouve entre les 2 lames de cuir pour donner la forme.
- La découpe à l’emporte-pièce
Le passage à l’emporte-pièce, c’est la seconde étape de découpe.
Il s’agit d’un outil tranchant en métal qui découpe par choc ou par pression des morceaux de cuir.
Dans le cas de la ceinture, on utilise plusieurs formes d’emporte-pièces pour faire les passants et la languette. Cette dernière servira d’accroche à la boucle.
Simple et efficace. Voici une image explicative !
- Le travail du bombé
Pour cette étape, nous avons suivi Catherine. 35 ans d’expériences en maroquinerie : c’est simple, elle est là depuis l’ouverture de l’atelier, après avoir fait ses armes ailleurs.
Elle travaille à la coupe, à la piqure et parfois même à la teinture.
De nos jours, une telle fidélité est rare. Les artisans sont les gardiens du temple de l’atelier. Ils sont en charge de la protection et de la transmission du savoir-faire. C’est agréable à voir.
Bref, nous avons eu la chance de rencontrer un vrai artisan polyvalent !
Le bombé sert à donner une forme ronde ou carré, selon le style recherché, à une pièce de cuir.
Dans le cas de notre ceinture, le bombé sera obtenu après avoir paré les bords de l’endroit puis de l’envers de la ceinture. On y ajoutera ensuite le pan intermédiaire, qui est une lamelle de cuir reconstitué pour solidifier et donner la forme de la ceinture.
C’est assez technique, alors une image vaut mille mots !
- La découpe de l’ogive
Qu’est-ce qu’une ogive ? C’est le bout ‘’triangulaire’’ qui termine la ceinture. C’est elle qui confère à la ceinture un aspect classique intemporel. Sans l’ogive, le style serait un peu plus marqué.
C’est une étape relativement simple qui consiste à utiliser un emporte-pièce (oui encore un) pour terminer la forme de la ceinture.
Anecdote 3 : Simple sur le papier, cette étape a été un véritable casse-tête pour l’atelier.
En effet, nous avons appris que nous étions la seule marque, travaillant avec eux qui faisait des ceintures de 3,2 cm. Conséquence, l’atelier n’a pas l’emporte-pièce pour faire notre ogive.
Catherine et Lola ont dû faire preuve d’ingéniosité pour contourner le problème. L’ogive est découpée avec un emporte-pièce de 3,4cm puis la pointe est parée pour obtenir la bonne largeur. Pas d’inquiétude, c’est une solution temporaire. Nous travaillons déjà avec l’atelier pour fabriquer notre propre emporte-pièce ! Nous avons hâte de vous le montrer :)
3 - La piqure et les finitions, la ceinture qui prend vie
- La piqure
C’est maintenant que la ceinture prend vie. Dans l’artisanat maroquinier, comme de nombreux autres, ce sont les mains expérimentées des femmes et des hommes qui façonnent la matière qui priment.
A partir de cette étape, les machines laissent la place aux mains des artisans et à leurs outils traditionnels.
La piqure d’abord, plus communément appelée couture.
Dans un atelier de maroquinerie, la couturière a une responsabilité centrale : celle de donner vie à la ceinture dans sa forme finale, après le passage de témoin de chacun des artisans de l’atelier.
Une bonne couture se devra d’être droite et bien resserrée : le nombre de points au centimètre doit être le plus élevé possible. Avec 3 ou 4 points au cm vous êtes face à une pièce faite pour durer.
En outre, Catherine s’assure de la solidité finale avec un double passage du fil, le tout sans alourdir la silhouette élégante de la ceinture. C’est le fameux point cheval.
Anecdote 4 : Le savoir-faire à ses habitudes
Catherine travaille sur la même machine à coudre depuis ses débuts.
Récemment l’atelier a acheté des machines un peu plus modernes. Sans façon.
Pour elle, ‘’Je n’aime pas les nouvelles machines. Je ne suis pas habituée. Elles ont beaucoup d’électronique et c’est plus difficile à contrôler. J’ai besoin de sentir une résistance lorsque je presse la pédale de démarrage. Alors, c’est moi qui dirige la machine. ‘’
- La teinture de tranches
C’est la finition la plus importante.
Outre le cuir et la métallerie, la teinture de tranches vous indique la qualité d’une ceinture. Si elle n’est pas nette avec un léger aspect bombé, vous pouvez passer votre chemin (sauf sur les ceintures casual : le style recherché impose ce choix).
Une teinture de tranche peut se réaliser à la main ou à la machine. Dans les deux cas, on utilise de la peinture et du vernis pour fixer la couleur. Puis on laisse sécher. Avant de recommencer. L’objectif est de recouvrir la tranche du cuir qui est généralement plus claire.
Sur cette étape, il faut retenir une chose : le nombre de passage vous donne des indices sur la qualité finale des finitions. L’exemple ultime est Hermès : chez eux, 5 passages.
Dans notre atelier, nous n’avons pas à rougir, nous en avons 3 à 4 selon l’efficacité de l’artisan.
Pourquoi pas 5 ?
Car, pour nous, ce 5ème passage est accessoire. C’est plus une signature qu’un gage de durabilité. Cela n’en reste pas moins impressionnant !
Anecdote 5 : Dernière anecdote de l’article mais pas des moindres.
Lors de notre visite, nous avons rencontré un artisan discret mais exceptionnel (pour respecter sa vie privée, nous ne pouvons vous donner son prénom ni vous montrer des photos). C’est le Lucky Luck de la teinture de tranche.
Il est le seul de l’atelier à être plus rapide et plus net qu’une machine. C’est simple, il lui faut moins de 10 secondes pour teindre, à la perfection, la tranche d’une ceinture de 120 cm.
Nous sommes très heureux de pouvoir vous raconter cette anecdote car il sera très prochainement à la retraite. C’est surement la dernière fois que nous verrons en action une teinture réalisée de cette façon !
Le mot de la fin !
C’est pour vivre ces moments que nous sommes, toute l’année, sur la route à la recherche des savoir-faire. Pour les dénicher. Puis pour vous les partager.
Voilà, vous connaissez tous les secrets de la confection d’une ceinture dans un atelier de maroquinerie. Vous avez encore des questions sur l’artisanat ou sur nos ateliers ?
Lisez notre dernier article, on vous présente la vie d'un atelier de maroquinerie !
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