Le cachemire est source de fantasme. Au même titre que certains cuirs précieux, quand on évoque l’univers du luxe, le cachemire est l’une des matières qui revient le plus souvent. Et ce n’est pas sans raison.
Plongée dans l’histoire du cachemire qui permet de mettre en lumière l’attention qu’il faut aujourd’hui porter à ses achats dans cette matière qui reste un must.
Le cachemire est une fibre de laine historiquement confectionnée en Asie centrale (en Mongolie, au Népal, en Inde et en Chine). Ces régions ont toutes un point commun : leur environnement montagneux s’avère idéal à l’élevage de la chèvre cachemire, que l’on nomme également de son nom latin, Capra Hircus. Cette sous-espèce de chèvre s’est adaptée au fil de son évolution à cet environnement difficile. Elle a développé une laine qui répond aux températures soutenues pour survivre dans ces lieux qui seraient hostiles pour nombre d’espèces.
Le cachemire, poumon d'un peuple
Mais ne nous y trompons pas. Aujourd’hui, bien que la Chine prenne progressivement le large en matière de production de cachemire, le savoir-faire ancestral et historique se trouve en Mongolie. Ce petit pays de quelques 3 millions d’habitants est le poumon et la mémoire d’une matière qui a depuis longtemps conquis le monde entier et tous les clients du luxe. Tout cela, grâce au lainage précieux d’une petite espèce de la famille des bovidae. La grande propriétaire de cette toison d’or ? La célèbre chèvre cachemire dont nous vous parlions plus haut. Là-haut, sur les hauts-plateau mongoliens, la capra hircus laniger est maitre de son royaume depuis la nuit des temps.
Dans cette région reculée, la chèvre cachemire trouve tout le nécessaire à son développement. Un climat rigoureux et sec. Des températures et un vent glacial. Qui la poussent à se prémunir d’une laine fine qui l’aide à combattre les conditions du désert de Gobi. Désert le plus froid du monde après l’Antarctique, les températures de ce territoire qui représente 1/3 de la Mongolie peuvent descendre à -25 degrés en moyenne sur janvier, avec des points à près de -50.
Comment Capra Hircus fait-elle ? Avec deux couches de pelage !
Le premier, à l’extérieur, est épais et grossier. Il sert à la protéger du vent et des intempéries. Avec lui, la pluie et la neige sont des formalités.
Le second se trouve au plus proche de la peau. Il isole.
Comme toute autre ressource précieuse, le cachemire s’observe avec tous les sens. Sa brillance s’admire avec les yeux, sa finesse se caresse du bout des doigts et sa douceur ne se ressent qu’au plus proche de notre épiderme. Ce pelage est d’une douceur et d’une finesse quasi incomparables. Contrairement au pelage extérieur, c’est lui qui possède toutes les propriétés thermorégulatrices permettant à la chèvre Hircus de (sur)vivre dans ces conditions climatiques. Et c’est surtout grâce à cette fibre que le VRAI cachemire est confectionné.
Cachemire et cachemire
Mais arrêtons-nous un instant sur cette notion de vrai cachemire.
Depuis une vingtaine d’années, la consommation de cachemire a littéralement explosé un peu partout dans le monde. D’une matière précieuse réservée au luxe et à ses clients, elle est devenue la matière reine de toute chaine de magasins qui souhaite proposer un « cachemire à moins de 100€ ».
Le terme est devenu générique pour qualifier des fibres de laine qui n’ont plus grand-chose d’autre en commun que leur appellation.
Mais à quel prix ?
Cette explosion du marché n’a pas été sans conséquence pour les éleveurs de chèvres et les tisseurs en Mongolie (et dans tous les autres pays producteurs).
Premier effet ?
L’augmentation de la demande en fibres de cachemire a engendré une dégradation des salaires et un « surpâturage » qui menace l'équilibre des écosystèmes. C’est stupéfiant mais, pour répondre à la demande, le nombre de chèvres cachemire est passé de 5 à 20 millions en moins de 15 ans. Dans des conditions climatiques aussi difficiles, les zones de pâturages finissent par manquer. Cela se répercute directement sur la qualité intrinsèque du cachemire.
Deuxième effet ?
La baisse des prix est un miroir aux alouettes : le cachemire de qualité équivalente à celui produit il y a 30 ou 40 ans est toujours plus cher. Le cachemire bas de gamme, lui, n’était pas exploité auparavant. Il est aujourd’hui vendu moins cher. Ce qui explique qu’en moyenne, le cachemire soit moins cher. Parlez d’illusion…
Historiquement, deux raisons expliquent la cherté du cachemire.
Premièrement, sa rareté. La production est infime. Une chèvre produit dans le meilleur cas 130 grammes de fibre. Pas de quoi faire un pull. Il faut sélectionner les fibres, les nettoyer de leurs impuretés, etc. Pour confectionner un pull fin, il faudra donc, au minimum, la laine brute de 4 à 6 chèvres.
Aussi, il s’agit aussi d’un savoir-faire spécifique. Pour préserver la qualité des fibres, les tondeuses et autres rasoirs n’ont pas leur place. Les éleveurs peignent soigneusement les chèvres, vérifiant une à une les fibres. Elles sont ensuite triées à la main. Les poils longs ou grossiers sont éliminés. La laine la plus fine, que l’on trouve dans la nuque, est isolée. Ce processus demande un apprentissage long et une patience extrême : récolter ces fibres peut prendre trois jours par chèvre.
Or, pour réduire les coûts, plusieurs pratiques sont (malheureusement) apparues.
Premièrement, les chèvres de cachemire ont été croisées à d’autres sous-espèces de chèvres plus généreuses en fibres, mais à la production moins qualitative. Vous êtes familiers de la tomate. Pour obtenir des tomates plus résistantes, qui pourrissent moins vite, etc. des croisements ont été réalisés. Au détriment d’une chose : le goût. Avec le cachemire mainstream, c’est la même chose. Quand la quantité prime sur la qualité.
En parallèle, les techniques de prélèvements ont changé. Le cachemire bas de gamme est « récolté » mécaniquement. Cela permet d’extraire rapidement les fibres. Mais vous obtiendrez une laine de cachemire plus épaisse et plus grossière. Puisque celle-ci n’aura pas été triée soigneusement à la main.
Enfin, avec la hausse de la population de chèvres, il a fallu conquérir de nouveaux espaces. Depuis les hauts plateaux, habitat d’origine, certaines chèvres sont élevées plus bas, là où les températures d’hiver sont moins rigoureuses. Ce qui facilite le travail des éleveurs par des conditions de travail moins difficiles. A l’inverse, si les conditions sont moins difficiles, les chèvres n’ont plus la nécessité de se protéger du froid glacial. Or, ces conditions climatiques sont nécessaires à la production d’une fibre de cachemire de haute qualité. Avec ce nouveau climat, le second pelage, à l’origine du vrai cachemire, laisse place à un poil généralement plus court et plus épais, de qualité médiocre.
La vérité est là.
90% du cachemire produit aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’il devrait normalement être : une fibre d’exception.
Pour les 10% restants, il s’agit du Saint-Graal.
Grâce à des éleveurs et des tisseurs de renom, aux standards de qualité exigeants, il est encore possible de s’offrir du beau cachemire.
Un vrai cachemire provenant d’une chèvre saine, vivant dans son habitat naturel et peignée dans les règles de l’art 1 fois dans l’année, à la main. Et son poil ensuite tissé de manière traditionnelle.