C'est la fin du mois Anniversaire d’Atelier Particulier. 6 ans, déjà.
Pour fêter cela une dernière fois, nous souhaitions rendre hommage à celles et ceux qui nous permettent de vous faire plaisir chaque jour : les artisans du savoir-faire.
Mais pas nécessairement les « nôtres ». Où que l’on aille, des savoir-faire sont à célébrer.
Avec un point commun : face à la consommation de masse ou à des facteurs plus exogènes, les savoir-faire éprouvent des difficultés à perdurer et à se transmettre.
Mais ils sont nombreux, ceux qui essaient de leur rendre leur superbe contre les vents contraires.
Pour fêter la fin du mois anniversaire nous avons décidé de mettre à l’honneur 5 savoir-faire d’exception.
Ils ont le point commun d’être irremplaçable. Et à 2 doigts de la disparition.
L’huile d’olives italienne va-t-elle disparaitre ?
Depuis quelques années, les Pouilles ont le vent en poupe auprès des touristes du monde entier qui s’y agglutinent en masse aux côtés des Italiens qui, depuis longtemps, passent en nombre leurs étés dans cette région solaire.
En 2013, on a découvert qu’une petite bête trouvait la région à son goût également : Xylella Fastidiosa.
Derrière ce nom peu évocateur se cache une suceuse de sève.
Et d’une sève particulière : celle des oliviers.
Dit autrement, depuis 2013, les Pouilles vivent sous le joug de cette bactérie qui ravagent par milliers cet arbre qui fait la tradition italienne de l’huile d’olive.
Plus d’un million d’arbres auraient été affectés et la bactérie avancerait de 2 kms par… mois, transportée par certains insectes.
Alors que d’autres foyers d’infection ont été identifiés en Europe, tout un savoir-faire risque l’extinction.
Un espoir ? Qu’une tradition millénaire et des arbres centenaires soient sauvés par l’avancée de la science, qui n’a pour le moment aucune solution convaincante à proposer pour endiguer ce phénomène. Est-il donc inexorable ou les recherches européennes actuelles viendront-elles au secours des oliviers ?
Piganiol, la référence française du parapluie
Confectionner en France est aujourd’hui un luxe. C’est un fait.
A la fin du XXe siècle, le luxe a amorcé sa démocratisation. Et, avec elle, il a condamné une grande partie de ses façonniers et en a fragilisé d’autres.
Textile, métiers du cuir, horlogerie ont été fortement impacté par cette décision. Ce ne sont pas les seuls. Les confectionneurs de parapluies ont eux aussi été touchés.
Vous l’aviez oublié, et nous aussi, mais la France a longtemps été une place forte de la discipline.
Son premier représentant n’est autre que Piganiol. Et c’est dans la petite ville d’Aurillac que son savoir-faire est né et perdure.
Aurillac est connue pour être la capitale française du parapluie depuis le XIXe siècle. Comme toujours, la géographie du territoire a joué un grand rôle dans le développement du savoir-faire. Les forêts alentours fournissent les artisans en bois et les relations entre la région et l’Espagne lui donne accès à du cuivre et à de la toile de coton.
Serait-ce ce que l’on appelle terroir ?
En tout cas, pour confectionner un parapluie, il n’en faut pas plus.
En 1928, les manufactures de la ville d’Aurillac produisaient 1,1 million de parapluies par an et employaient 750 ouvriers et ouvrières. Il y a moins de 100 ans, donc.
Quant à Piganiol, c’est un précurseur. Depuis 1884, la famille Pigagiol s’assure de transmettre son savoir-faire. Alors que le marché du parapluie a connu de grandes difficultés à la fin du siècle dernier, Piganiol est la seule entreprise de parapluie française qui a su allier artisanat et développement.
Aujourd’hui, Piganiol emploie 30 personnes qui fabriquent 50.000 parapluies par an. Nous sommes loin du succès d’antan mais, dans une période où les savoir-faire disparaissent peu à peu, la performance mérite d’être saluée.
Un savoir-faire de moins !
En 20 ans, 200.000 emplois textiles ont disparu en France. Les deux tiers de ceux qui existaient en 1996.
Et 30 emplois supplémentaires vont suivre le même chemin.
A quelques encablures de Saint-Etienne, au pied du Massif central, nous avons déniché l’an dernier, pour Atelier Particulier, un atelier en maille spécialisé dans les écharpes, chaîne et trame comme jacquard.
Cet atelier, c’est l’une des 1.500 Entreprises du Patrimoine Vivant françaises.
Ce n’est pas rien : elle est reconnue pour son savoir-faire rare et non délocalisable.
Bref : elle est unique. Elle est irremplaçable.
Lorsque nous avons visité l’atelier, nous avons été impressionnés par l’hétérogénéité des machines de l’atelier. De la plus ancienne à la plus récente, de la plus spécifique à la plus classique, notre atelier sait tout faire.
Le savoir-faire n’est pas en reste. Si une grande partie de l’activité est mécanisée, le savoir-faire du métier se trouve dans la capacité des salariés à entretenir et faire fonctionner ces petits bijoux, empreints de l’histoire du progrès humain depuis des décennies. Il n’existe pas de formation qui y prépare. Seule une expérience de plusieurs années permet une maitrise parfaite.
Et pourtant, cet hiver sera le dernier. Comment expliquer cette situation ?
Il s’agit d’une équation simple. Savoir-faire et consommation ne font pas bon ménage.
Aussi spécifique et unique que soit le savoir-faire de cet atelier, le pouvoir d’achat est un facteur qui influence le client.
Est-il vraiment prêt à investir 30, 40 ou 50% de plus pour acheter du made in France ?
Selon nous, à chacun de s’interroger sur sa consommation et de répondre à cette question. Sans soutien du consommateur, nous ne pourrons que déplorer ces pertes successives. De notre côté, on fait en sorte de vous proposer ces savoir-faire rares à prix accessible.
Créer la matière est aussi un savoir-faire
La Nouvelle-Zélande est le pays à la densité ovine la plus élevée au monde, avec un total de plus de 27 millions de bêtes, pour 4,7 millions de Kiwis.
Malheureusement, tous les pays n’ont pas cette chance. Le Royaume-Uni, plus grand drapier d’Europe au XIXe, risque actuellement de perdre l’un de ses grands savoir-faire, l’élevage.
Nous l’oublions souvent, mais le savoir-faire ce n’est pas que la confection. Avant de faire une étole, une ceinture ou un gant, il y a une matière brute non transformée. Enlevons nos œillères. Ce savoir-faire est unique.
Les fileurs le savent parfaitement. Sans une matière brute de qualité, pas de tissu d’exception.
En 2017, la RBST (Rare Breeds Survival Trust) et la NSA (National Sheep Association) ont dressé une liste de 6 espèces de moutons en voie d’extinction : le Welsh Mountain Pedigree, le Boreray, le Leicester Longwool, le Lincoln Longwool, le North Ronalday et le Whitefaced Woodland.
Chacune de ces espèces disposent de 500 à 900 représentants maximum.
Ces 6 espèces, ont toutes la particularité d’avoir été moteur au XIXe siècle pour accompagner la croissance textile de l’Angleterre. Leur fibre de laine est naturellement chaude. De plus, elles étaient complémentaires de par leurs différentes caractéristiques propres. Toutes longues et épaisses, elles étaient idéales pour confectionner des tissus solides.
Avec le temps, les besoins ont évolué et le besoin de solidité a laissé place à la quête de douceur. Plusieurs croisements ont été réalisés pour obtenir des laines plus douces.
Conséquence ? La protection des savoir-faire est intimement liée à la protection de nos ressources et matières premières. Tout est affaire de diversité.
5h pour confectionner 1 camembert
C’est certainement la spécialité normande la plus réputée en France.
Et même, à l’international.
D’ailleurs, quand on voyage à l’étranger et que l’on parle de nos origines françaises, on nous dresse régulièrement le même portrait.
Les Français aiment la baguette, le vin et le camembert. C’est un stéréotype, certes. Mais quand vous connaissez l’histoire du camembert DE Normandie, il y a de quoi en être fier.
C’est au siècle des Lumières que vient l’essor de l’élevage laitier en Normandie. Avec lui, celui des spécialités crémières et fromagères. Et donc du camembert.
L’histoire raconte que le camembert est né au XVIIIe siècle, dans les mains de la fromagère Marie Harel. À cette époque, le camembert existe déjà.
Il s’agissait alors d’un simple fromage blanc originaire de la ville de … Camembert. Jusqu’ici, pas de surprise !
Au XIXe siècle, avec l’essor du chemin de fer, le camembert s’exporte brillamment. Et comme dans tout secteur, le succès attire les convoitises. Et par conséquent, la copie.
Pour protéger son savoir-faire, le Syndicat des fabricants de véritable camembert de Normandie (SVCN) vit le jour en 1909. Leur objectif ? Protéger l’appellation d’origine du camembert et donc son savoir-faire. Ils auront mis 74 ans pour atteindre leur objectif.
Pourtant le camembert de Normandie n’est pas un fromage lambda.
Il est moulé à la louche et à la main. Surtout, la confection d’un camembert de Normandie nécessite un travail de 5h. Une éternité.
Ceci explique la situation préoccupante des producteurs historiques de camembert en Normandie.
Comment expliquer cette situation ?
Bien que l’appellation Camembert de Normandie soit protégée, il existe des dérives.
Premièrement, la dénomination « camembert » n’est pas discriminante. Elle peut être utilisée par tous les producteurs de camembert dans le monde.
Dans un second temps, la dénomination « camembert fabriqué en Normandie » est volontairement trompeuse. Elle désigne les camemberts fabriqués en Normandie à partir de lait.
Mais pas nécessairement à partir d’un lait normand.
Ce qui signifie que ces produits ne bénéficient pas du savoir-faire plusieurs fois centenaire de la région.
Sur les producteurs de Camembert de Normandie, seuls 2 produisent eux-mêmes leur lait pour confectionner leur propre camembert à la ferme : le Champ Secret et la Héronnière, dans l’Orne. C’est dire si le savoir-faire et la tradition ont la vie dure !