Le 27 Août 2019, Biarritz faisait la une des journaux mondiaux en accueillant le G7.
Pour rappel, G7 signifie « Groupe des 7 », soit une réunion des 7 pays réputés pour être les plus riches du monde : l’Allemagne, le Canada, les USA, la France, l’Italie, le Japon, et le Royaume-Uni. En tout cas ils l’étaient lors de la création du G7 en 1965.
On y discute économie, finance et collaborations. Bref, c’est une réunion au sommet.
Sur le moment, tout le monde analysait l’attitude de tel président ou le sourire de tel diplomate, mais chez Atelier Particulier on avait notre attention ailleurs.
Bien ailleurs.
On était séduit par les carnets de note en cuir qui trônaient sur les tables. Ils ressortaient vraiment du lot, avec un beau cuir, et des clous qui habillaient toute la bordure. Ça peut vous sembler bête, mais c’est comme ça qu’on arrive à dénicher des savoir-faire : en laissant traîner nos yeux.
En creusant un peu, il s’est avéré qu’ils étaient confectionnés par un atelier maroquinier du Pays basque. À vrai dire, c’est même un atelier de légende à Saint-Jean-de-Luz, tenu par la même famille depuis plus d’un siècle.
Cet atelier, c’est Maison Laffargue.
Le maroquinier qui s’est fait un connaître en (ré)inventant le cuir clouté.
Le Pays basque, terre de cuir
Pour assister à la création de Maison Laffargue, il faut remonter le temps jusqu’en 1890. Cette année-là, on pleure la disparition de Van Gogh, et on célèbre la naissance d’un certain Charles de Gaulles. Bref, c’était il y a 131 ans.
Dans le Pays basque, un jeune artisan nommé Joseph-Daniel Laffargue vient tout juste de créer son propre atelier, après avoir terminé sa formation de compagnon du devoir. Il a été diplômé aux côtés d’un certain Émile Hermès, qui se fera également un nom dans le monde du savoir-faire.
Toujours est-il que fils de sellier, Joseph Laffargue n’a d’yeux que pour le cuir.
Ce qui tombe bien, vu le Pays basque est connu pour deux choses :
· Ses nombreux élevages bovins
· Sa tradition centenaire de la tannerie
C’est loin d’être le fruit du hasard : en plus de posséder un large cheptel bovin, le territoire regorge de Chênes, dont on utilise l’essence pour procéder à la tannerie. Cet alignement des ressources fait du Pays basque une terre de cuir par excellence, au point où on ne dénombre pas moins de 230 tanneurs et mégissiers à la fin du 19ème siècle.
On utilise du cuir pour créer le revêtement du plateau de la pelote basque, le Zahato ou la gourde traditionnelle basque, ainsi que tous les types de chaussures. Pour un maroquinier natif de la région, on ne pouvait pas rêver plus stimulant comme environnement.
Mr. Laffargue aurait donc pu s’employer à travailler et à perfectionner des décennies durant les nombreuses pièces traditionnelles en cuir que compte la culture basque. Mais non. Tout comme l’équipe d’Atelier particulier laisse trainer son regarde pour dénicher des pépites de savoir-faire, Mr. Laffargue laissait trainer le sien pour s’inspirer.
De manière surprenante, c’est en observant un troupeau de bovin que viendra sa plus grande inspiration.
La signature Laffargue : le clou maillechort.
Au-delà de leur peau, c’est le collier des bovins qui lui plaît.
Il apprécie le design de ces colliers cloutés, et se rend compte que personne n’a vraiment eu l’idée de le réutiliser, à part quelques armures et coffres du moyen-âge. Dès lors, il a l’idée d’en faire la signature de son atelier : du cuir de qualité et des clous maillechort.
En deux mots : cuir clouté.
Cela dit, Maison Laffargue n’utilise pas n’importe quel clou. Un clou « à tête maillechort » est un clou à l’aspect argenté qui allie cuivre, niquel et zinc. Ce qui le distingue des autres, c’est que sa tête est arrondie et non pas plate. C’est devenu un accessoire très prisé des maroquiniers, par le relief qu’il créé sur une pièce.
Pendant plus de 100 ans, les dirigeants de la famille vont s’employer à reproduire cette marque de fabrique sur tous les objets que va confectionner l’atelier : des sacs aux ceintures en passant par la petite maroquinerie et, plusieurs siècles plus tard, les carnets de note.
Aujourd’hui, Maison Laffargue utilise du cuir de toute la France mais les faits toujours tanner dans les Pyrénées, près de sa terre d’origine. Les peaux sont méticuleusement sélectionnées avant d’être transformées.
Chaque pièce est découpée, assemblée à la main et les clous maillechort sont toujours rivés un à un. La confection d’un seul porte-carte prend deux heures de travail complètes dans l’atelier de Saint-Jean-de-Luz, à deux pas de la boutique Laffargue.
C’est un savoir-faire qui rencontre un franc succès actuellement, mais qui faisait déjà forte impression dans les années 30, quand il fut présenté au plus grand nombre.
50 ans après la création, retour à 0.
En 1937, les deux fils de Joseph-Daniel Laffargue, Jean Baptiste et Léon présentent le cuir clouté de l’atelier à l’exposition universelle de 1937. Les participants sont interloqués, mais immédiatement séduits : on destine Laffargue a un très grand avenir.
Mais avant que la popularité de l’atelier n’explose, c’est le début de la seconde guerre mondiale qui fera la une des journaux. En plus de stopper la production, elle prendra les deux frères Jean Baptiste et Léon Laffargue, tués en tant que résistants.
Au sortir de la guerre, l’atelier est donc veuf de ses gestionnaires, et la famille ruinée.
Pourtant, les deux enfants de Jean Baptise et leur mère ont tout sauf envie d’abandonner l’activité familiale. Ils veulent faire perdurer le travail de leurs parents. Ils vont décider de se battre pour lui en misant sur ce qui a fait son succès par le passé : la signature du cuir clouté.
Pour affirmer leur attachement à cette technique, ils y apposeront même un brevet.
Presque 70 ans plus tard, on peut dire que leur pari est gagnant.
Leur savoir-faire n’a pas changé, ils n‘ont pas quitté le Pays basque, et ils connaissent un vrai renouveau auprès du grand public.
Pour Atelier Particulier, nous vivons actuellement la troisième étape de la vie de Maison Laffargue. Celle de la récompense.
La première fut celle de la découverte et de l’affirmation du cuir clouté, par un créateur ingénieux et deux enfants ambitieux.
La seconde fut celle de l’épreuve. Veuf de ses dirigeants, et à peine armé des machines restantes dans l’atelier, Maison Laffargue a su se recentrer sur le savoir-faire qui faisait sa force.
La troisième consacre Maison Laffargue. D’un modeste atelier basque, l’entreprise familiale se retrouve propulsée sur la table des dirigeants du monde grâce à un savoir-faire authentique, et tenace.
On ignore encore quelle sera la quatrième étape, mais on va suivre ça avec une grande attention, vous pouvez nous croire.